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mercredi 1 mars 2017

Les rituels dans la civilisation Khmer.Cambodge



Les rituels font partie de la vie et interviennent dans la plupart des circonstances de la vie.



            De tout temps les rites ont structuré et structurent encore de façon importante tant la dimension humaine que la transmission des messages d’un groupe, ils marquent une certaine continuité entre les générations.

            Résident très souvent chez une famille cambodgienne, j’ai mesuré combien ce peuple Khmer vivait au rythme des rites ancestraux toujours présents et utilisés aujourd’hui.

J’ai déjà traité sur le site le mariage..

Il sera intéressant de connaître le rituel qui entoure la naissance dans un village Khmer pas très loin de Oudong au Nord de Phnom Penh, traité en fin de document.

Généralités :

La famille Khmer, dans le sens de parenté, par rapport à d'autres sociétés n'est pas culturellement bien définie. Les termes d'ascendance et descendance sont réduits et composés essentiellement avec les termes primaires à l'exemple de grand-père, belle-soeur, beau-père etc., en français. IL n’est donc pas étonnant de noter que la famille est pratiquement nucléaire c'est-à-dire réunissant Père Mère et enfants non mariés. Si l'on considère les modes de résidence,  il y a autant de maisons que de familles dans un village et la parenté ne dépasse pas le quatrième degré.

Cependant les ancêtres peuvent être évoqués lors de cérémonies jusqu’à la septième génération.

La période khmer rouge imposa le nom mono syllabique, le prénom et le titre de Meut (camarade).

Actuellement les cambodgiens s'identifient par un nom de famille, en général mono syllabique et un prénom qui peut être multi syllabique.

Pour les actes officiels et la carte de visite, le nom de famille vient toujours en premier, suivi du prénom.

Un adage dit : si quelqu’un t’appelle par ton prénom méfie toi de lui.

De nombreuses croyances, rites se retrouvent dans la plupart des cérémonies marquant les étapes de la vie du Cambodgien.

Nous allons tenter d’expliquer les symboles qui régentent les cérémonies rituelles Khmers.


Les Esprits Vitaux ou Proloeng.

Les Proloeung sont au nombre de 19 et habitent les corps. 
Ils peuvent, notamment pendant le sommeil et en sortant par les ouvertures naturelles du corps, errer à l'aventure. S'ils s'éloignent trop longtemps, leur propriétaire tombe malade. Il convient donc de procéder à leur rappel, en employant divers objets.
Quel que soit le moyen pour les rassembler, les esprits vitaux sont fixés par le "Bai Proloeng", riz cuit façonné en boule.


Les liens ou fils de coton.
Le rite du «  Tchang Dai » consiste à lier aux poignets de l’intéressé des fils de coton écrus. Des paroles de bénédiction ou des souhaits sont prononcés au moment ou on attache les fils.
En nouant des fils de coton, il est également possible de former une sorte de lien mystique.
A l’occasion de l’inauguration d’une maison, des bracelets de coton sont mis aux poignets des propriétaires est des fils sont noués autour du pilier ou du petit sanctuaire habité par la divinité gardienne de la demeure. Cela est fait aussi à l’arrivée de personnages importants.
Ce rite est aussi réservé aux époux lors de la cérémonie du mariage : symbole de bonheur, ces liens ne doivent pas être enlevés jusqu’au lendemain.
Les Popils :



Utilisés dans de nombreuses cérémonies, aussi bien au Siam qu’au Cambodge, le Popil est la copie conforme du « ven ven thien siamois »
Selon une légende cambodgienne, Preah Eysev, un ermite de la forêt, offrit à l’un de ses élèves comme cadeau de mariage une feuille de banian en or et une bougie en poudre de diamant. Le Popil, petite plaque de métal avec un manche d’environ 10 cm de long, commémorerait ce cadeau.
Usage du Popil Lors des fêtes ou aux diverses étapes de la vie, notamment aux mariages, lors du couronnement d'un Roi, d'une consécration d'une pagode ou d'une statue du Bouddha, l'assistance fait tourner le Popil.
Les participants font un cercle autour de l’objet ou de la personne à honorer. Le Popil, avec sa bougie allumée, passe de main gauche en main gauche jusqu'à ce qu’il ait fait un nombre précis de tour.
Les personnes qui font tourner le Popil sont au nombre de dix, cinq femmes et cinq hommes. Elles doivent être des personnes mariées et de bonne moralité.


Les bougies ou cierges « Tien ».
Les « Tiens » ont une très grande importance dans la vie cambodgienne.
Aucune invocation ne peu être prononcée sans que soit allumées au moins une bougie et trois baguettes d’encens.
            Le plus important est le « Tien Kol » ou « cierge de la lignée », qui représente la vie humaine aussi facilement éteinte que la flamme de la bougie mais qui peut se transmettre comme une flamme d’une bougie à  l’autre . Il figure dans la plupart des cérémonies qui marquent la vie des Khmers. Il est placé dans le « Bay Proloeng lors du laquage des dents ou de la tonte des cheveux, à l’ordination, on le met sur le paquet de vêtements religieux. Pour le mariage on le nomme « Tien Pela » ou « Cierge du moment propice ». Pour les rites funéraires, le « Tien Kol » est plus court que pour les autres cérémonies et il est appelé «  Tien Kal ». »Cierge du temps » ou « Tien Kalp », ce dernier mot correspond au  Kalpa Bouddhique.


            Symbolique des nombres.

            Dix neuf est unanimement considéré comme représentant les esprits vitaux.
            Neuf représente les esprits vitaux supérieurs, les principales ouvertures du corps, les huit directions de l’espace et du centre.
            Sept est le nombre d’ouverture de la tête et peut par conséquent figurer les esprits vitaux. On fait également tourner le Popil sept fois pour emmener un influx positif des sept planètes de la semaine.
            Cinq est le nombre le plus fréquemment utilisé lorsqu’il s’agit d’offrande. Il correspond : aux quatre coins cardinaux et au centre, au divinités régentes de l’espace, aux Bouddha du présent, du passé et de l’avenir.


La coupe des cheveux.
On dit que la coupe des cheveux conjure tous les malheurs possibles. Lors des cérémonies funéraires, on rase les cheveux des parents, du moins ceux de l’aîné. Autrefois, le peuple entier devait se faire tondre de la mort à la crémation d’un Roi, coutume qui est maintenant restreinte à certaines femmes du palais.
            En cas de maladie, il est fréquent de faire vœu d’offrir ses cheveux à un génie, à un  Neak ta ou à une image du Bouddha.

            Au moment de l’ordination, la coupe rappelle que le futur Bouddha, lorsqu’il abandonna la vie princière, trancha sa chevelure d’un coup d’épée.


            Le laquage des dents (coutume éteinte depuis un siècle, sauf au Vietnam).

            On disait jadis que les femmes aux dents blanches portaient malheur, d’où la coutume de noircir les dents avec un mélange de laque, ensuite maintenu brillant avec de l’huile de coco.
            Traditionnellement, le laquage des dents n’avait lieu que pour la femme au moment de la sortie de sa retraite dans l’ombre, fin de la réclusion chez ses parents marquant le début de la puberté. Il a également cours pour le mariage, mais l’on peut s’en dispenser si le précèdent a eu lieu. Pour l’homme, le laquage des dents a lieu au cours de la cérémonie précédant l’ordination.

            Le Naga « Gnieuk » en Khmer.

            Souverain de l’eau et de la terre dans la mythologie cambodgienne, on le retrouve lors des cérémonies, par le costume, le sampot à queue.
            Lors de l’ordination, le futur bonze revêt également le costume du Naga. Il est en effet dit qu’un Naga, ayant pris forme humaine, s’était fait admettre parmi les disciples du Bouddha. Démasqué, il fut renvoyé car un animal ne peut pas être moine. Cependant, il lui fut promis que l’on se souviendrait de lui lors de chaque ordination qui serait considérée comme celle du Naga.


            Les officiants.

            Par son savoir et par son enseignement, le bonze ou moine permet aux laïques de progresser dans la voie du salut, mais son action religieuse s’arrête là.
            Ainsi le rôle de l’officiant n’est jamais rempli par un bonze. L’ordonnateur des rites est l’intermédiaire entre les hommes et les dieux, il se nomme Achar.

Rôle de l’Achar.
           
            Indiquer les gestes rituels.
            Officier dans les cérémonies et accomplir les rituels (les bonzes restent à l’écart).
            Servir d’intermédiaire entre le peuple et les nombreuses divinités (non bouddhistes) de la nature et les esprits.
            Prédire et lire les horoscopes.
            Décider des offrandes.

            Connaissant les rites, l’Achar est capable de déterminer les temps fastes ou néfastes et les offrandes nécessaires.


            Changement de nom.

            Autrefois, mais très souvent encore aujourd’hui, il était hors de question d’attribuer un nom personnel avant la naissance et il reste très fréquent de changer le nom d’un enfant malade. Ce changement de nom a pour fonction de conjurer le malheur et l’infortune.
            Le bébé durant sa toute petite enfance est un être fragile, vulnérable qu’il s’agit de protéger des influences néfastes des « esprits malfaisants ». Pour tromper ceux-ci, on donne à l’enfant un nom très malsonnant, évoquant quelque réalité répugnante. Ainsi la femme du Mekhum, femme de classe, beau type de Mère cambodgienne était connu sous le nom de «  tshirout » qui signifie porc.
Il en existe bien d’autres : excrément etc …Ce phénomène est connu dans toute la péninsule indochinoise, on le retrouve au Vietnam, au Laos et chez le proto-indochinois, spécialement chez les Jaraï.
            Peut être pourrait on rapprocher de cette pratique le fait d’appeler quelquefois un garçon « Srei » qui signifie fille et une fille « Proh » qui signifie garçon. Tous ces noms ne sont pas très courrant mais on rencontre des exemples et le fait qu’ils existent jette un jour sur les croyances attachées aux noms.
            Il arrive d’autre part que l’on change de nom plus tard, n’importe quand dans la vie après avoir porte le nom de naissance cependant un certain temps. Cela se passe souvent après une grave maladie. On veut certainement rompre avec le passé. Des habitants de divers villages m’ont signalé de nombreux cas de ce genre.


            La naissance.

            Aujourd’hui encore à la campagne, il est fréquent que les femmes accouchent à la maison ou dans la hutte pour diverses raisons, pécuniaire et spirituelle notamment.
            Lorsque l’enfant né ou arrive de la maternité, une cérémonie a lieu dans la maison. Le Maître de maison qui n’est pas forcement le Papa du bébé, allume cinq bâtonnets d’encens qu’il tient dans ses mains jointes et il s’incline successivement vers les quatre points cardinaux pour saluer les « Tevoda » (Tevoda et Teptida, divinité masculines et féminines). Puis il se recueille et invoque mentalement tous ses ancêtres, il leur annonce qu’un enfant est né dans la famille et demande leur protection et bienveillance pour cet enfant.
            J’ai assisté à cette cérémonie dans ma famille adoptive (qui a adopté qui ! est ce cette famille qui m’a adopté ou ai-je adopté cette famille ?) cambodgienne près de Oudong. Après avoir accompli le rituel détaillé précédemment, le Maître de la maison fait coucher la Maman, tête enveloppée dans un linge, sur un lit surélevé.


Il allume un feu sous cette couche, symbole de purification et de protection contres les maladies.
Il dépose une pierre sur le ventre de la Maman symbolisant un retour a son état physique précédant  la grossesse.




Quelques semaines avant l’accouchement, la famille a préparé un breuvage : cinq litres de vin de palme avec toutes sortes de fruits et herbes.


            Tous les jours avant chaque repas la Maman boit un verre de vin. Je l’ai goûté, c’est excellent, dommage qu’il soit réservé à la Maman !




Ensuite il pétrit du riz cuit et pose un peu de cette pâte sur la fontanelle de bébé, ceci aidera à la refermer rapidement et solidement.

Dans le berceau au-dessus de la tête de bébé, une hache ou une paire de ciseau … Ceci assure sa protection contre les « mauvais esprits ».





           

A chaque toilette de bébé, Maman prend de l’eau chaude dans sa bouche, enlève la pâte de riz et rejette doucement l’eau chaude sur la fontanelle de bébé, avant de remettre bien sûr la pâte de riz.



            Certains enfants naissent avec des taches légèrement bleutées dans le dos, (d’aucun, remarquant ceci ont imaginé que le bébé avait fait une chute ou avait été battu, la cause est connue, scientifique dirai-je, je ne la précise pas ici, restons dans le symbolisme et les rites).
            L’explication donnée en réponse à ma question : « c’est parce que la Maman était paresseuse et traînait les plats et casseroles sans les soulever !!!






            Ces rites et symboles montrent combien les Khmers sont proches de la nature, de la vie, de la famille et par les croyances, ils perpétuent leurs culture et tradition.
Les moments que je partage avec ma famille Khmer sont extraordinaires, magiques et merveilleux.



Tout n’est ici bas que symbole et que songe. Ernest Renan.



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